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Peinture 2018

Quand le corps devient palette de couleurs

Au premier contact avec la peau, la gouache est visqueuse et froide. Mais très vite, son parfum d’école incite à jouer. Verte ou violette, elle coule le long du bras, qui, du coup, dessine des arabesques dans l’air sur une mélodie jazzy. Elle invite à laisser glisser pieds, coudes ou genoux sur le linoléum ou à marquer son pas sur la moquette. Sur le dos, qui se courbe sous sa caresse, elle serpente sur votre vieux tee-shirt. Et, quand elle sèche, elle craquelle tel un masque à l’argile, grattouille et induit des gestes saccadés.

Isabelle Clarençon, danseuse, chorégraphe et professeure de danse, débute son atelier de danse-peinture par cette rencontre sensuelle avec la matière. Elle réinterprète ainsi la technique des « pinceaux vivants » d’Yves Klein, qui, au début des années 1960, indiquait à ses modèles enduits de couleur où appliquer leurs corps sur la toile. En conviant ensuite à éclabousser les murs bâchés par des pirouettes et autres balancements de bras, elle s’inspire également de l’action painting façon Jackson Pollock, qui projetait de l’acrylique sur la toile.

Peindre de tout son corps et danser de toute sa chair : sans chorégraphie préconçue, cette pratique décloisonne les univers, et s’inscrit dans ces époques de renouveau en quête d’expression plus viscérale. « La danse-peinture vous met dans un état un peu irréel », confie Isabelle Clarençon. Elle propose à chacun de découper un petit morceau de cette œuvre collective avant de filer sous la douche, à la fois vidé et réénergisé, comme après une bonne séance de sport.

Pour Claire Suire, peintre, orthophoniste et art-thérapeute, il s’agit de « faire participer le corps en mouvement à l’acte créateur de peindre ». C’est ainsi qu’elle définit la peinture sensorielle, méthode qu’elle a fondée en 2006 avec la danseuse et chorégraphe Nien Mari Chatz. Leur stage offre de multiples expérimentations. Exemple : danser en ressentant comment bougent les organes, le sang et les muscles ; puis en maniant des pinceaux encore secs, afin de conduire son énergie jusqu’au bout de ces outils qui prolongent les doigts. Dans le même souffle, imprimer des traces colorées sur le papier. « À ce moment-là, j’avais l’impression d’avoir déjà peint, se souvient Carole, 44 ans. On dansait sur des percussions. Mes pieds frappaient le sol et mon bassin décrivait des huit. Après, j’ai dessiné de grandes spirales orange et rouge s’élançant vers le haut. Et quand on a posé le papier par terre pour danser autour en laissant émerger ce que cette trace nous inspirait, j’ai repris les mêmes mouvements mais avec les bras en l’air. » « Cette méthode donne de la texture et du relief au corps, décrit Céline, 38 ans. Aujourd’hui, je sens en moi des zones rondes, pointues, cubiques. » Et sans tensions ! Car ne pas s’appliquer à faire un beau dessin offre un relâchement total. « J’ai découvert ce qu’il y avait de primitif en moi, avoue Carole. Ce qui sort est vrai et saisissant. Ça donne accès à sa propre beauté. »

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